
HISTOIRE &
ARCHÉOLOGIE
La Gascogne épique

Murchan le voleur
Murchan (Mwrchan en gallois) était le roi de Gascogne (Gwasgwyn). Craignant César qui avait déjà soumis une partie des Gaules, Murchan réunit son conseil et il fut décidé de remettre au général romain un inestimable tribut : la plus belle femme du monde ; qui était, disait-on jusqu’en Gascogne, une bretonne du nom de Fflur, fille de Mygnach le Nain. Déguisé en ménestrel, Murchan quitta son pays en secret, traversa les mers, seul, sur un simple bateau à coque, et atteignit l’île de Bretagne. Pour s’assurer que la beauté sans égale de Fflur vantée dans les chansons des bardes et des poètes était bien réelle, il se déguisa en mendiant et se mit à rôder autour du palais de Mygnach.
Son espionnage dura longtemps – un an – et lorsqu’enfin il vit Fflur, subjugué, il constata que les légendes n’avaient pas menti. Impossible étant pour lui, sale comme un rat, d’approcher la princesse, il recruta une équipe de voyous et décida d’entrer dans le palais par la force. En pleine nuit, il désarma les gardes, s’introduit jusque dans la chambre de Fflur, l’enleva et rentra en son pays. Mais la princesse était aimée du redoutable chef Caswallawn (le Cassivellaunos des sources latines) : furieux, celui-ci décida d’aller délivrer son amour et partit pour la Gascogne avec une armée de 61 000 hommes. Bataille fut livrée ; 6000 hommes de Murchan devenu « le voleur » furent tués ; Caswallawn délivra Fflur et rentra en Bretagne où il l’épousa. Toutefois, cette attaque de la Gascogne ne fut pas sans conséquence : ce fut elle qui, dit-on, déclencha l’invasion de la Bretagne par Rome1.
Remarques
Murchan n’est pas mentionné dans les vieilles sources (Peniarth, Livre Rouge) et semble être une des inventions de Iolo Morganwg (1747-1826). Ce dernier aurait en effet introduit dans The Myvyrian Archaiology of Wales, recueil de textes médiévaux, des arrangements issus de son imagination, repris et augmentés par certains de ses successeurs comme T. Prichard et C. Wilkins. Ce serait notamment le cas d’une autre légende concernant notre propos, une légende faisant de la Gascogne la terre d’origine de la tribu des Lloegrwys (ces derniers formaient la deuxième « bonne tribu » de l’île de Prydein (Bretagne), la première tribu étant celle des « Cymry qui vinrent avec Hu Gadarn », et la troisième celle des Brython « qui vinrent du Llydaw » ; « ces trois tribus de paix sortaient de la race primitive des Cymry et avaient même langue, même parler »)2.
Toutefois, la légende de Fflur semble bel et bien être authentique, car la princesse est mentionnée dans une triade du Livre Rouge qui nous apprend que Caswallawn partit la chercher à Rome. De plus, les Peniarth et le Livre Rouge mentionnent bien la Gascogne, qui se trouve être encore une fois liée à la légende de Caswallawn : à la tête de la troisième aryanlla (armée d’argent), Caswallwan partit en Gwasgwyn (Gascogne) à la poursuite des « Césariens » qui venaient d’être chassés de l’île de Prydein (Bretagne) ; mais contrairement à ce qui a été dit précédemment, il est précisé qu’il n’en revint pas3.
AUtres heros
Sources, crédits
Auteur :
Textes de Benjamin Caùle (OCG).
Notes :
1 T. J. L. Prichard : The heroines of Welsh history, Londres, 1854, p. 258-260 ; C. Wilkins : Tales and Sketches of Wales, Cardiff, 1879, p. 38.
2 J. Loth : Les Mabinogion du Livre Rouge de Hergest avec les variantes du Livre Blanc de Rhydderch, tome 1, Paris, 1913, p. 296.
3 Ibid., p. 234.
Sources principales :
– Anonyme : Peniarth MS 16, entre 1250 et 1475.
– Anonyme : Le Livre Rouge d’Hergest, entre 1382 et 1425.
– Anonyme : Peniarth MS 50, vers 1445.
– Anonyme : entre 1475 et 1600 : Peniarth MS 54.
– J. Owen, W. Owen Pughe, Iolo Morganwg : The Myvyrian Archaiology of Wales, 1801, 1802, 1807 (trois tomes).
Données représentatrices de l’état des connaissances en : août 2022