HISTOIRE &
ARCHÉOLOGIE

La Gascogne épique


FROMONT

 

Comte de Lens, comte de Bordeaux et Marquis (de Gascogne ?), Fromont était le fils d’Hardré dont la « race […] [était] de Gascogne »1 et descendait du lointain roi de Gascogne Garlain. Il avait des prétentions royales sur la Gascogne et n’hésita pas à se présenter face au roi franc Pépin couronné d’or et de pierres précieuses, sceptre surmonté d’une colombe à la main. Il n’y accéda cependant jamais et dut toute sa vie faire face au clan des Loherains mené par les frères Garin et Bégon, contre qui il se battit régulièrement jusqu’au siège de Bordeaux qui aboutit à une paix de sept ans et demi.
Celle-ci prit fin avec la mort de Bégon, assassiné par des hommes de Fromont (sans que ce dernier n’en donnât l’ordre) : Garin, fou de colère, vint ravager le pays bordelais et assiégea de nouveau Bordeaux. Une fois la ville brûlée, une trêve de trois ans fut imposée. Au terme de cette trêve, Garin, pris de remords à cause de la violence de sa vengeance, décida de partir en pèlerinage : il convoqua les Bordelais, mais ils lui tendirent un piège et l’assassinèrent. Les hostilités entre les deux clans reprirent et la guerre dévasta de nouveau le bordelais. Après une brève période de paix, Gerbert, fils de Garin, assiégea une nouvelle fois Bordeaux qu’il mit à sac : seuls échappèrent à la mort Fromont, qui parvint à s’enfuir, et ses enfants Fromondin et Ludie, faits prisonniers. La paix conclue, Ludie mariée avec Hernaut fils de Bégon et cousin de Gerbert, Bordeaux fut rendue à Fromondin.
Un an passa et comme d’habitude les hostilités reprirent : Fromondin essuya encore un échec et fut contraint de céder ses terres pour se faire moine. Mais il parvint vite à s’échapper et se remit en guerre contre les Loherains. Pépin intervint, et tandis qu’il jugeait les belligérants dans le but de contracter entre eux une paix durable, le vieux Fromont débarqua à Bordeaux à la tête d’une armée de Sarrasins. Fromondin lutta alors aux côtés des Francs ; il affronta Cormadant, fils de l’émir, et le tua, provoquant sans le savoir la mort de son propre père contre qui l’émir se vengea. L’ennemi fut repoussé au-delà des Pyrénées puis des années de paix s’installèrent. Mais un jour, lors d’une célébration tenue à Bordeaux, Gerbert, invité de Fromondin, s’infama : il ouvrit le tombeau de Fromont, récupéra la calotte crânienne du défunt, la fit sertir afin d’en faire une magnifique coupe et s’amusa à faire boire Fromondin dedans. Quand ce dernier l’apprit, fou de rage, il jura de se venger. À fin de réparation, Gerbert lui offrit trois chevaux remplis d’or, trente heaumes, trente hauberts et la restitution de la coupe. Mais Fromondin refusa et la lutte reprit, lutte qui se termina en sa défaveur. Le Bordelais se retira alors dans un bois non loin de Pampelune pour y vivre en ermite. Les années passèrent et Gerbert et ses hommes, en pèlerinage vers Compostelle, firent halte dans cette cabane. Les reconnaissant, Fromondin tenta de les tuer mais périt des mains de Gerbert2.

Remarques

La géopolitique gasconne est assez floue dans la Geste des Loherains : le comté de Bordeaux et le duché de Gascogne paraissent entremêlés sans que l’on ne sache clairement qui a autorité sur qui, si tant est qu’une autorité supérieure existe, hormis celle du roi de France. Le royaume de Gascogne est quant à lui totalement indépendant du royaume de France3 ; ce qui n’explique pas pourquoi son roi, Yon, à qui Fromont prête pourtant régulièrement allégeance, n’intervient jamais dans la lutte entre Bordelais et Loherains, d’autant plus que Gerbert de Metz, lorsqu’il hérite du trône de Gascogne, obtient le droit de justicier jusqu’à Bordeaux4… On ne connaît avec certitude que les villes autour desquelles gravitent ces territoires, à savoir respectivement Bordeaux, Belin (Belin-Béliet) et Dax.

AUtres heros

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Sources, crédits

Auteur :
Benjamin Caule (OCG).

Notes :
1 P. Paris : Garin le Loherain, Paris, 1862, p 72 ; J.-C. Herbin : « La Geste des Loherains et les annales carolingiennes », Le Moyen Age, 2016/3, tome CXXII, 2016, p. 541.
2 P. Paris op. cit. ; J.-C. Herbin : « Variations, vie et mort des Loherains », Cahiers de recherches médiévales [en ligne], vol. 12, 2005 ; J.-C. Herbin : « Trois fuelles d’erbe a pris entre ses piez. Recherches sur la Mort Begon dans Garin le Loherain », Le Moyen Âge, 2006/1, tome CXII, p. 75-110 ; , J.-C. Herbin : « Quelle Gascogne dans La Geste des Loherains ? », in Casanova Jean-Yves et Fasseur Valérie (dir.) : L’Aquitaine des littératures médiévales, Paris, 2011, p. 237-254 ; J.-C. Herbin 2016 op. cit. (pour tout l’élément biographique).
3 M. Rossi : « Figures royales et conception de la fonction monarchique dans Gerbert de Mez », Senefiance, n° 1, 1976, p. 71-86.
4 J.-C. Herbin 2011, op. cit., p. 248.

Sources principales :
– Anonyme : Garin le Loherain, entre 1160 et 1180.
– Anonyme : Gerbert de Metz, entre 1185 et 1210.

Données représentatrices de l’état des connaissances en : août 2022