HISTOIRE &
ARCHÉOLOGIE

La Gascogne épique


Huon

 

Quatre (ou sept) ans après la mort de son père Seguin duc de Bordeaux, Huon de Bordeaux et son frère Gérard n’avaient toujours pas prêté hommage au vieux Charlemagne. Alors que ce dernier songeait à passer la couronne à son fils Charlot, Amaury, qui convoitait Bordeaux, conseilla à l’empereur de ne pas léguer son royaume tant qu’une partie de celui-ci ne reconnaissait pas son autorité : il devait faire venir les fils de Seguin et les châtier. Charlemagne, tempéré par le sage duc Naime, fit pressément mander Huon et son frère à la cour pour, avant toute chose, les entendre. Les fils de Seguin acceptèrent et prirent la route ; mais en chemin, ils tombèrent dans une embuscade dressée par Amaury qui avait fait de Charlot son complice : le fils de l’empereur, sans dévoiler son identité, blessa gravement Gérard avant de succomber sous l’épée de Huon. Cependant qu’Huon se tenait enfin devant Charlemagne et lui contait sa mésaventure, Amaury entra dans le palais avec le corps de Charlot. Charlemagne demanda alors qui était le coupable et sans attendre Amaury dénonça Huon, l’accusant de meurtre délibéré. Charlemagne tenta aussitôt de poignarder le Gascon mais le sage Naime le résonna : Huon ignorait tout de l’identité de son assaillant, il n’avait fait que se défendre. Un duel fut organisé pour savoir qui de Huon ou d’Amaury disait la vérité, mais Huon tua Amaury d’un coup fulgurant avant qu’il ne puisse confesser son mensonge. À la suite de diverses délibérations, l’empereur accepta d’accorder son pardon, mais à un prix défiant toute raison : Huon devrait partir pour un pays lointain, au-delà de la mer Rouge, d’où aucun des quinze messagers qui y avaient été envoyés n’était revenu ; arrivé à Babylone, il devrait entrer armé dans le palais du roi Gaudisse, trancher la tête du premier baron qu’il croiserait, embrasser trois fois la belle Esclarmonde, fille de Gaudisse, et exiger de ce dernier qu’il envoyât à Charlemagne mille éperviers, mille ours, mille lévriers, mille jeunes hommes et mille jeunes femmes ainsi que sa barbe blanche et quatre de ses plus grosses dents. Les barons de Charlemagne s’indignèrent de cette mise à mort masquée, mais Huon se soumit à cette pénitence et partit accompagné de dix chevaliers de son pays ainsi que de son parent Guichard, qui avaient le droit de le suivre jusqu’à la mer Rouge. Durant son périple, la camaraderie affronta de nombreux dangers, s’augmenta de quelques preux (dont Gériaume) et fit la rencontre du nain Aubéron (ou Obéron), roi du royaume fantastique de Féerie. Pris d’amitié pour Huon en qui il percevait toutes les vertus chevaleresques, Aubéron lui fit présent d’une coupe magique et de son cor en ivoire : la première toujours se remplirait entre des mains nobles, le second, en cas de grand danger, appellerait au secours Aubéron dont la puissance magique était sans pareil. Après bien des aventures (le siège d’une ville, l’affrontement victorieux contre un ogre…), Huon atteignit la mer Rouge et y établit ses compagnons qui ne pouvaient l’accompagner plus loin. Parvenu devant Gaudisse, il put enfin tenter de s’acquitter de sa mission mais au dernier moment l’émir le fit prisonnier. Le temps passa et ses compagnons, inquiets, partirent à sa recherche. Ils retrouvèrent Huon dans sa geôle, en bonne santé, car Esclarmonde qui s’était éprise de lui avait pris soin du héros. Après quelques rebondissements, Huon, équipé d’une épée légendaire (« sœur de Durandal », forgée par Wieland), parvint à vaincre Gaudisse et lui arracha barbe et dents. Ainsi la compagnie prit-elle le chemin du retour et, survivant à de nouvelles embûches (naufrage, enlèvement d’Esclarmonde par des pirates, Huon laissé seul sur île, la rencontre d’un troubadour, les retrouvailles de toute l’équipe et le sauvetage d’Esclarmonde…), Huon fut de retour en France. Son frère Gérard apprit l’heureuse nouvelle mais, par crainte de perdre son pouvoir, décida de trahir Huon : il le captura ainsi que Gériaume et Esclarmonde et fit tuer tous les autres compagnons. Aubéron vint alors sauver Huon de ce nouveau coup monté, Charlemagne rendit ses terres à Huon qui les confia à Gériaume, et Aubéron fit du Bordelais le nouveau roi de Féerie1.

Remarques

Huon de Bordeaux eut un grand succès et engendra de nombreuses continuations formant ainsi un cycle : Le roman d’Auberon (prologue à Huon de Bordeaux), Esclarmonde (encore très centré sur Huon et son couronnement de roi de Féerie), Clarisse et Florent (centré sur Clarisse, la fille de Huon et d’Esclarmonde), Yde et Olive (centré sur Yde, la fille de Clarisse et de Florent le roi d’Aragon) et la chanson de Godin (centré sur le fils de Huon et d’Esclarmonde). Dans ces continuations, Huon, roi de Féerie, est devenu un être doté de pouvoirs magiques à l’instar d’Aubéron.

Bien plus tard, l’histoire de Huon inspira notamment Shakespeare qui repopularisa le personnage d’Aubéron dans Le Songe d’une nuit d’été.

AUtres heros

Retour au MuG

Sources, crédits

Auteur :
Textes de Benjamin Caùle (OCG).

Notes :
1 P. Paris : « Huon de Bordeaux », in Hauréau B. (éd.) : Histoire littéraire de la France. Tome 26, Paris, 1873, p. 41-94 ; F. Guessard et C. de Grandmaison : Huon de Bordeaux : chanson de geste, Paris, 1860 (pour tout l’élément biographique).

Sources principales :
Anonyme : Huon de Bordeaux, 1216-1268.

Données représentatrices de l’état des connaissances en : août 2022