
HISTOIRE &
ARCHÉOLOGIE
Néolithique
Le Néolithique est une période clé de l’histoire de l’Homme. Le passage du statut de chasseur/cueilleur à celui d’agriculteur/éleveur bouleverse les sociétés, les croyances, les relations entre les individus et les rapports entre ces derniers et leur environnement. Avant même la révolution industrielle, le Néolithique apparaît comme la première révolution de l’histoire humaine, une révolution dont les innovations sont à l’origine de nos sociétés présentes.

Une « révolution »
Notons avant toute chose que l’archéologie de Gascogne et du Pays basque souffre, malgré un potentiel indéniable, d’un manque de dynamisme notable en comparaison des régions limitrophes. Loin de toute institution ou de grand pôle de recherche, elle peine à attirer le regard et apparaît souvent absente des synthèses nationales. Ce constat général, valable pour toutes les périodes de l’Histoire humaine, est particulièrement vrai pour le Néolithique. Les données, et donc la vision que nous pouvons avoir aujourd’hui des sociétés, reste donc assez partielles. La situation tend à s’améliorer quelque peu ces dernières années dans les Pays de l’Adour (bien que cela reste toujours modeste) grâce à l’existence de quelques programmes de recherche et de quelques fouilles de sauvetage. Le parent pauvre demeure alors toujours la Lande des sables.
L’invention de l’agriculture et de l’élevage est apparue de façon indépendante en plusieurs endroits du globe. Pour l’Europe, c’est à partir du Proche-Orient que ces innovations ont pu être diffusées. Elles sont le fruit d’une longue évolution débutée il y a environ 12000 ans. À cette époque le climat se réchauffe, entraînant des modifications importantes de l’environnement et permettant aux groupes humains jusque-là nomades de s’installer de façon plus sédentaire. Ces habitats plus stables favoriseront le regroupement et la sélection de certaines espèces animales et végétales, et donc l’invention de l’agriculture et de l’élevage. Ces changements économiques seront aussi accompagnés d’autres innovations comme la céramique ou le polissage des outils et de changements profonds dans les croyances.

C’est à partir de ce noyau, aussi appelé « croissant fertile », et à partir de 7000 avant notre ère que vont se diffuser l’ensemble de ses innovations. Deux routes principales de diffusion sont observées : une voie continentale, et une voie suivant les rivages méditerranéens qui concerne plus directement notre région pour laquelle les premières traces d’une économie néolithique sont datées des alentours de 5300 avant notre ère. Cette néolithisation (c’est à dire l’adoption de l’agriculture et de l’élevage ainsi que de l’ensemble des innovations néolithiques) du sud-ouest de la France s’inscrit dans un phénomène progressif de vagues successives de populations et/ou d’influences venues de Méditerranée. Ces dernières arrivent tantôt par le versant sud-ouest des Pyrénées, où l’installation des premiers paysans semble plus ancienne de quelques siècles, tantôt « plus directement » et plus tardivement par le nord, suivant alors le piémont nord pyrénéen et la Garonne.

Dans ces premiers moments du Néolithique régional, on ressent alors très bien les influences multiples des derniers chasseurs-cueilleurs locaux, des néolithiques de Méditerranée (comme dans les décors d’inspiration épicardial des céramiques découvertes à Labatut) et de ceux du versant ouest-pyrénéen espagnol, notamment dans les nombreuses armatures dite du Bétay (ou doble-bisel en Espagne) découvertes dans les Landes et le Pays basque, tout à fait caractéristiques de ce Néolithique ancien.
Concernant la période suivante, le Néolithique moyen (-4500 à -3800 avant notre ère), très peu de sites sont connus. En Pays basque nous pouvons retenir le site d’Unikote, qui a notamment livré un crâne portant des traces de découpes pouvant faire penser à un possible cannibalisme.
Avec le Néolithique récent (-3800 à -3300 avant notre ère) puis le Néolithique final (-3300 à -2200 avant notre ère), la présence des populations est beaucoup plus visible et notre secteur propose un nombre de sites bien plus important, qu’il s’agisse d’occupations domestiques ou de sites à vocation funéraire. Il semble bien que le mode de vie des populations s’affirme et se pérennise dans cette deuxième moitié du Néolithique.

HABITAT
L’habitat des populations néolithiques se divise en deux grandes catégories.
Si cette époque est celle de la sédentarisation et des maisons groupées en hameaux ou en villages plus ou moins grands, les hommes continuent aussi à utiliser les grottes et les abris, notamment en tant que bergerie.
Pour ce qui est de l’habitat de plein air, notre secteur ne bénéficie d’aucun site fouillé. Ces habitats ne nous sont essentiellement connus pour le moment que par des concentrations de matériel (hache en pierre, outils en silex, …) découvertes notamment au moment des labours et remontées par les machines agricoles. Pour avoir une idée de ce que pouvaient être ces villages nous pouvons tourner notre regard vers les régions alentours.
En revanche, quelques fouilles ont pu être réalisées sur des sites que nous pourrions qualifier de « périphériques », c’est-à-dire sur lesquels se déroulaient des activités spécialisées (traitement des céréales, stockage, boucherie, …). C’est le cas notamment sur le site de Dussin à Narrosse où il a pu être mis des structures à pierres chauffées et des fosses-silos.
Fig. n° 5 : reconstitution d’habitats (fiche du site de Château Percin).
TOMBES
Les façons d’inhumer les morts sont nombreuses et le monde des morts est aussi le reflet du monde des vivants, de ses croyances, de ses hiérarchies ou de ses territoires. La majorité des individus sont inhumés dans de simples fosses creusées dans le sol. La simplicité de ces sépultures et les sols acides majoritaires dans la région rendent très difficile la découverte de telles inhumations. En revanche, les inhumations en grotte et bien sûr les sépultures monumentales (dolmens et tumulus) souvent bien visibles dans le paysage sont elles mieux connues.
Ainsi, si les grottes ont constitué des lieux d’habitat plus ou moins permanents ou temporaires, elles ont aussi pu accueillir des inhumations. C’est par exemple le cas du site de Duruthy à Sordes-L’Abbaye où plus de trente individus avait été inhumés.
Aux côtés des haches de pierre polie que nous verrons ensuite et qui donnent le nom à la période (néo / lithique, soit la « nouvelle pierre », c’est à dire la pierre polie), les dolmens sont certainement les éléments les plus emblématiques du Néolithique.
La construction de ces tombeaux, constitués d’une structure en pierre recouverte d’un tumulus de terre et/ou de pierres, est intimement liée à la complexification des sociétés et l’augmentation des inégalités. Ainsi avec les premiers dolmens, sépultures d’une élite et de quelques-uns mais dans tous les cas nécessaires constructions collectives, la mort et les rites qui l’accompagnent deviennent, encore plus que par le passé certainement, un espace ostentatoire et spectaculaire. Les études et fouilles récentes ont permis de renouveler significativement nos connaissances sur le mégalithisme régional. Elles ont notamment montrées que les dolmens de notre région sont bien plus complexes que ce qui avait pu être évoqué jusque-là. Cette complexité est notamment visible dans la préparation des terrain qui ont subi de véritables opérations de terrassements avant même la mise en place des blocs de pierre. Elle est aussi visible dans le choix et la mise en forme de ces derniers avec des jeu de couleurs, de forme, de textures qui doivent être sous-tendus par de fortes symboliques dont un indéniable culte des ancêtres. Ce mégalithisme présente une belle diversité architecturale. Nous notons ainsi des allées couvertes en Chalosse (Peyre de Pythié à Fargues) ou dans les Hautes-Pyrénées (La Halhade à Bartrès), des dolmens de type caussenard, principalement en Pays Basque (Gasteenia à Mendive ou Arrondo à Irouléguy), et des structures originales de type fosse sous dalle mégalithique (Burguista à Ahaxe, CM10 à Lannemezan).
Nous n’oublierons pas de signaler ici que c’est aussi au Néolithique que sont dressés les menhirs, dont celui dit de Guillay à Larrivière-Saint-Savin, seul exemplaire gravé documenté dans notre région. Précisons en outre que les études récentes ont montré que certains menhirs avaient pu être réutilisés ensuite dans la construction des dolmens, devenant alors des parois (Peyre Dusets à Loubajac), des couvertures (Buluntza à Ahaxe) ou même un dallage au sol (Tumulus A d’Agès).
Fig. n° 6 : mégalithes.
La terre…
La céramique (ou poterie) est l’une des innovations marquantes du Néolithique. Elle permet notamment le stockage et la cuisson des produits de l’agriculture (et en particulier la bouillie de céréales) et de l’élevage. Les formes et les décors changent tout au long du Néolithique et en fonction des régions où elles sont produites. Ce sont des marqueurs culturels importants, pour leurs producteurs mais aussi pour les archéologues.
Sur ce point, pour les Néolithiques récent et final, il apparaît que cette céramique traduit pour les groupes du sud Adour des affinités culturelles privilégiées avec les groupes du piémont est des Pyrénées (cultures dites de Veraza, des Treilles ou du Crosien par exemple). Le nord de l’Aquitaine est lui à rattacher culturellement aux groupes du centre-ouest de la France. Leur influence dans le sud-ouest semble plus discrète. Entre les deux, dans la Lande des sables, nous avons encore trop peu d’informations pour nous prononcer mais à la fin du Néolithique nous pourrions peut-être voir un groupe s’individualiser et se construire en mixant les influences du nord et du sud de l’Aquitaine.
Fig. n° 7 : céramiques (fiches).
… et la pierre
L’outillage des premiers agriculteurs/éleveurs est très varié. Malheureusement une grande partie de celui-ci était soit totalement soit partiellement en matériaux périssables dont nous n’avons que très rarement les traces (bois, osier, os et bois de cervidés, …).
Fig. n° 8 : industrie osseuse (fiches).
En revanche, la pierre se conserve très bien et nous apporte quelques connaissances sur les objets utilisés.
Concernant le silex, la production comprend essentiellement des éclats ou de petites lames brutes. Ces objets sont fabriqués rapidement et leur durée de vie paraît courte. À côté de ces derniers, nous retrouvons des outils plus travaillés comme les pointes de flèches, les grattoirs, les poignards ou les couteaux, provenant parfois de régions éloignées. Dans notre secteur l’un des plus beau exemple sur ce point est celui du site de Duruthy avec pas moins de 6 poignards dont l’un venant du Grand-Pressigny (Indre-et-Loire) et un autre de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence). Ces pièces en silex sont complétées par un outillage plus lourd, réalisé sur des roches tenaces, destiné notamment au travail de la terre et du bois, particulièrement abondant dans les pays de l’Adour.
Fig. n° 9 : industrie lithique (fiches).
Mais parmi les outils des néolithiques, la hache de pierre polie est sans nul doute celle qui occupe une place toute particulière. Alors que le chasseur/cueilleur nomade devient l’agriculteur/éleveur sédentaire, la hache de pierre polie va constituer un outil de prédilection pour les populations néolithiques, notamment dans la construction des villages. La hache polie a une place si importante dans les sociétés qu’elle va parfois devenir plus qu’un simple outil. Elle devient alors un objet-signe permettant à son propriétaire d’afficher son statut, d’autant plus quand l’objet provient de loin et qu’il a été fabriqué dans une roche remarquable. C’est le cas notamment des haches vertes en jadéite provenant des Alpes découvertes à Banca (Pays basque), Arthez-de-Béarn (Béarn) ou à Sarrouy (Hautes-Pyrénées).
Fig. n° 10 : haches polies (fiches).
Vers la Métallurgie
La fin du Néolithique est caractérisée par la présence, aux côtés des cultures locales, d’éléments appartenant à la culture campaniforme et à des premiers indices de métallurgie, en l’occurrence de la métallurgie du cuivre. L’origine et la diffusion de cette culture campaniforme demeurent complexes en raison de son développement rapide dans le temps et dans l’espace, recouvrant une grande partie de l’Europe occidentale. Elle est caractérisée par la présence de vases en forme de cloche à décor en bande, mais aussi de brassards d’archer, de boutons à perforation en V et de pointes de flèche à ailerons équarris. Les éléments découvert dans le Tumulus d’Agès, à proximité d’Hagetmau, en sont un très bel exemple.
Les ressources en cuivre étant rares, les gisements ont souvent été exploités à des multiples reprises durant l’Histoire, les travaux effaçant les traces des précédents au fur et à mesure. Ainsi, dans notre région, seule la mine du Causiat (Béarn) propose une datation pour la fin du Néolithique. Toutefois, il a pu être décelé des traces de paléo-pollutions de la même époque confirmant l’exploitation du cuivre ailleurs qu’au Causiat, notamment dans la vallée des Aldudes (Pays Basque). Le travail du cuivre en lui-même est assez discret. Récemment quelques éléments (dont un creuset) ont pu être mis au jour dans le cirque de Troumousse (Hautes-Pyrénées), mais ces derniers paraissent pour l’heure bien isolés.
En revanche les produits finis sont bien présents sur l’ensemble de notre territoire. Il s’agit notamment de haches plates et plus rarement d’autres objets comme des pointes de Palmela. Ces objets peuvent être découverts fortuitement, parfois a priori isolés (comme à Pouillon, Mimbaste et Arengosse dans les Landes, ou bien encore comme à Labastide-Monréjeau en Béarn) ou sur des sites (domestiques ou funéraires) comme à la grotte du Phare à Biarritz, à Isturitz ou dans les dolmens d’Ithé (Pays Basque). Enfin ajoutons que c’est aussi dans cette dernière partie du Néolithique que nous pouvons voir apparaître les premiers objets en or. Nous pouvons notamment signaler plusieurs éléments de parure dans les dolmens du plateau de Ger (La Halhade et le Pouy Mayou à Bartrès).
Fig. n° 11 : métallurgie (fiches).
Notes, sources, crédits
Auteur :
Pablo Marticorena (Université Populaire du Pays Basque ; UMR Ausonius).
Sources principales :
> disponibles ici.
Crédits :
– Figure 1 : Musée d’Aquitaine.
– Figure 2 : J. Guilaine.
– Figure 3 : P. Marticorena.
– Figure 4 : Musée d’Archéologie Nationale.
– Figure 5 : Laurent Juhel, Inrap (slide 1) / Rolande Charlas-Tranier (2).
– Figure 6 : Tourisme Landes (slide 1) / Institut culturel basque (2) / Le Bouquetin Boiteux (3) / Wikimedia Commons (4) / Pierre Bardou (5) / Wikimedia Commons (6, 7) / Office de Tourisme du Pays Basque (8).
– Figure 7 : Museu de Prehistòria de València (slides 1 à 8) / Musée d’Aquitaine (slides 9, 10).
– Figure 8 : Musée d’Aquitaine (slides 1, 2) / Museu de Prehistòria de València (3 à 7).
– Figure 9 : Musée d’Aquitaine.
– Figure 10 : Musée Fenaille (slide 1) / Musée d’Aquitaine (2 à 11) / M. A. Blanco de la Rubia (12).
– Figure 11 : C. Nicolas (slide 2) / Musée d’Aquitaine (3).
Dernières modifications : mai 2023